Série 2020 - 2021
Petites histoires de masques...
Avant, c’était une drôle d’habitude des chinois, des japonais, une chose qui nous affrontait à un exotisme un peu ridicule, à un hygiénisme tristouille, et finalement, le premier sourire passé, un peu de vague compassion nous effleurait.
Chez nous, pas de cela, hors le sanctuaire professionnel et inquiétant de l’hôpital.
On affichait les sourires, on bâillait à gorge déployée, on se bisoutait à l’envi.
Puis vint le masque, d’un coup, artisanal, bricolé, puis normé, importé, disputé, rare puis abondant, par vagues successives, en même temps que le virus s’attaquait à nos cerveaux et à notre civilisation déjà branlante.
Je me suis emparée de ce masque, afin d’avoir sa peau avant qu’il ait la mienne.
Il s’est plaqué sur moi, mais je le contourne, le chantourne, le tourne en dérision, me paie sa tête.
Je le déguise, l’entoure, le pare, le prépare, l’assaisonne pour mieux le dévorer.
Cette fausse peau n’aura pas la mienne. Elle est là, épinglée, prisonnière de mes oreilles, mon regard est libre, ma pensée aussi. À tire-d’elle, à tire-masque, mon pinceau s’envole, chargé de pigment et d’eau, à l’assaut.
Mon souffle intérieur gonfle ce masque comme une voile, je peins comme je respire.
Sylvie Lander, 2021